« La politique étant une activité humaine, l’homme étant par ailleurs un être vivant, pourquoi un biologiste, qui par définition s’intéresse aux choses de la vie, n’aurait-il pas une vue particulière de la “chose politique”?” – H.L., L’homme imaginant
L’homme imaginant, de 1970, constitue sans doute l’ouvrage où l’auteur livre de la manière la plus extensive sa conception proprement politique de la société. Il explique ses sympathies pour les idées progressistes, par la nécessité qu’à l’homme, s’il veut continuer à vivre, de prendre conscience des conditions (biologiques) mêmes dans lesquelles il mène les différentes révolutions qu’elles soient sociales ou politiques. Il ne cache pas ses préférences pour une société socialiste (notamment dans le chapitre La droite et la gauche), même s’il montre qu’il est plus facile pour la droite de gouverner dans une société repue : la révolution, si elle doit se faire est d’abord une révolution des mentalités.
La caractéristique fondamentale de l’organisme humain parait être l’association originale, dans la création de structures nouvelles, des éléments mémorisés et imposés par l’expérience abstraite de l’environnement. Cette faculté d’imaginer ne le libère pas de ses déterminismes génétiques, biologiques, sémantiques, économiques et socio-culturels, mais lui permet d’en prendre conscience. En ne plaçant ses espoirs, que dans la transformation, par ailleurs indispensable, de son environnement socio-économique, il ne résoudra qu’imparfaitement le problème de son aliénation. Seule la connaissance de ses déterminismes biologiques et de leur organisation hiérarchisée, lui permettra la transformation de sa structure mentale, sans laquelle toutes les révolutions risquent d’être vaines. Complétant cette présentation de son livre, l’auteur, dans l’Introduction, écrit qu’ “adepte d’une certaine discipline, celle des sciences de la vie, j’essaie d’appréhender les faits humains. Cette attitude me conduit parfois à voir ces faits humains sous une lumière qui peut déplaire à toute personne dont le système nerveux est déjà fortement structuré par son expérience antérieure de la vie. Ma vision est peut-être fausse mais les visions antérieures le sont peut-être aussi. Et puis, la vérité ou prétendue telle, n’est jamais monolithique. Elle est fragile et changeante. Il faut lire cet essai en le comprenant comme une tentative de structuration autre, à partir d’informations souvent incomplètes mais différentes, motivées par un déterminisme unique, le mien.” C’est dans cet état d’esprit de modestie, qu’Henri LABORIT propose une compréhension des relations entre biologie et politique, des effets de différents conditionnements sur l’évolution humaine. Ses idées sur l’engagement et l’individualisme, sur les sciences humaines, sur les régimes socio-économiques contemporains portent la marque de cette préoccupation majeure sur les conditionnements. Il insiste toujours sur la faculté de l’imagination humaine à trouver des solutions à ses problèmes, même les plus difficiles à résoudre. “Ce qui distingue profondément les sociétés humaines des société animales, ce n’est pas leur travail, même avec la puissance intermédiaire de l’outil ; ce n’est pas non plus une liberté individuelle permettant à l’homme d’agir sur le monde matériel, si l’on comprend sous le terme de liberté la notion de libre arbitre, mais un déterminisme d’un niveau d’organisation supérieur, celui de l’imagination.” Délibérément optimiste, d’un optimisme qui fait vraiment défaut dans le monde actuel, le biologiste pense que c’est dans la nature même des déterminismes qui orientent l’activité humaine que se trouve les meilleures chances de l’humanité. (Source : http://www.leconflit.com/article-henri-laborit-1914-1995-58525669.html )