Dans le billet précédent, je vous avais promis une autre conférence de Laborit, cette fois-ci filmée. Et bien la voici ! J’en ai pris connaissance par un courriel que m’a envoyé Pascal Lavorel depuis Genève en janvier dernier où il m’écrit :
« Je viens de tomber sur cette vidéo avec un grand bonheur car j’étais dans la salle en 1994. Je Vous envoie ce lien car je ne l’ai pas trouvé sur le site elogedelasuite.net mais je présume que vous avez aussi celui-là? »
Eh bien non, je ne l’avais pas cette conférence de Laborit intitulée simplement « Bases biologiques du comportement social » et donnée au CERN à Genève le 8 juin 1994 donc moins d’un an avant son décès. Je ne sais pas si c’est sa dernière, mais je sais pour avoir eu accès à certaines de ses correspondances qu’il souffrait déjà à ce moment des troubles pulmonaires sévères qui allaient l’emporter. C’est d’ailleurs évident durant la conférence où il tousse à plusieurs reprises. Il va néanmoins parler pendant plus d’une heure cinquante, acétates à l’appui et questions des auditeurs et auditrices incluses !
C’est à ma connaissance seulement la deuxième conférence filmée de Laborit, après celle donnée au Québec en 1989. C’est dire à quel point je remercie chaleureusement M. Lavorel pour cette découverte ! D’ailleurs peu de temps après, il me réécrivait pour ajouter ce précieux témoignage :
« Il ne s’attendait pas à recevoir ces applaudissements nourris à la fin de sa présentation. Je crois que nous ne l’applaudissions pas seulement pour ce qu’il avait dit ce soir-là, nous avions bien compris que ce géant se trouvait au crépuscule de sa vie et nous remerciions l’homme pour ce qu’il nous avait apporté : ces clés de lecture du monde des humains pour nous si pertinentes, éclairantes, presque salvatrices.
En découvrant cet enregistrement je me suis remémoré cet instant de l’ovation : je prenais subitement conscience que ces gens réunis dans cette salle se sentaient comme moi pas très en phase avec ce monde dans lequel la compétition et la liberté sont érigés en principes fondamentaux, je n’étais plus seul.
Spinoza l’avait compris, Henri Laborit l’a déduit scientifiquement : La liberté ne peut se concevoir que dans l’ignorance des causes qui nous déterminent. En nous en faisant prendre conscience il nous a libéré.
Je me souviens qu’il était arrivé en fauteuil roulant et je me demande si d’autres interventions ont eu lieu après celle-ci. »
Je n’ai absolument rien à ajouter, sinon encore merci de nous permettre de revivre cet instant un quart de siècle plus tard.
p.s. : j’ajouterais peut-être ceci, finalement. Que ça me rappelle aussi quand j’avais vu pour la première fois Mon oncle d’Amérique en salle à Montréal (je l’ai revu une dizaine de fois ensuite…). Beaucoup de gens sont restés assis, je dirais plutôt cloués sur leur siège après le film, et on voyait que les gens discutaient entre eux… Claude Grenié, grand ami de Laborit que j’ai eu le plaisir de rencontrer en 2012, m’avait raconté qu’il avait vécu la même chose quand il était appelé à présenter le film à divers endroits.
Merveilleuse pépite !! Oui, le plus clairvoyant de tous les savants ! MERCI ! ( Patrice Faubert, puète, peuète, pouète, paraphysicien