Quelques personnes m’ont demandé ces derniers mois si l’on pouvait voir les tableaux que Laborit a peint durant toute sa vie. Je ne connais pas de site où ses toiles seraient regroupées, mais je me suis souvenu de deux endroits où l’on peut en voir quelques-unes.
D’abord dans le billet « Un tableau de Laborit pour décrocher un peu… » que j’avais publié en décembre 2015. On peut y voir une image extraite de mon film alors que François Grisolle, ancien propriétaire d’un restaurant de Lurs que Laborit fréquentait, me montre l’une des toiles que Laborit lui avait données.
Ensuite au tout début et à la toute fin du documentaire « Henri Laborit – Itinéraires ». À 2 :40, Geneviève Laborit mentionne que son mari a toujours peint et l’on peut voir alors deux de ses toiles (dont celle reproduite ci-dessus). Et puis vers 1 :07 : 45 c’est son ami d’enfance Edmond Peray avec qui il peignait qui en parle, alors que l’on voit deux autres de ses tableaux, dont un portrait de Peray également montré par son fils dans mon film.
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L’Éloge de la fuite, de Laborit, est sans doute son ouvrage le plus lu et le plus cité. Mais il arrive que ce ne soit pas toujours dans l’esprit du livre lui-même, et en particulier dans le type de fuite que Laborit mettait de l’avant. Il n’y a pas longtemps, je suis ainsi tombé sur le commentaire suivant de Roméo Bouchard écrit sur sa page Facebook suite au dénouement d’un long Lock-out à l’usine québécoise d’ABI où l’offre patronale finale avait été acceptée à 79,77 % par les employé.es. Suite à cet événement, M. Bouchard y était allé de ce commentaire :
« On aura beau dire, il y a une sagesse et un réalisme dans le monde ordinaire, le peuple, les travailleurs…plus grande que celle des dirigeants. Ce qui ne diminue en rien leur lucidité et leur courage. Le grand biologiste Laborit a écrit un livre sur la fuite comme solution la plus sage devant un obstacle ou un danger insurmontable: “Éloge de la fuite”. L’idéalisme, c’est beau mais ça donne pas à manger aux enfants. »
Après m’être présenté comme l’auteur du site Éloge de la suite, je me suis permis l’écriture d’un commentaire sous le statut en question. Je le retranscris ici pour apporter quelques nuances qui m’apparaissent importantes.
« Il est vrai que Laborit a eu pendant 35 ans un laboratoire qui se finançait avec les royalties des molécules qu’il mettait au point et vendait à des pharmaceutiques. Il avait ainsi “gardé un pied” dans ce système marchand qu’il exécrait au plus haut point. Car son truc, à Laborit, c’était la fuite, mais la fuite dans l’imaginaire créateur, que ce soit artistique (il peignait et écrivait de la poésie) ou scientifique. Pour lui, les molécules psychoactives qu’il trouvait ne l’intéressait que dans la mesure où elles confirmaient l’hypothèse d’un mécanisme biologique qu’il avait imaginé. Il a tant écrit sur “l’honnête travailleur” en inhibition de l’action chronique parce que soumis à des impératifs économiques qui le font crever à petit feu qu’il ne fait aucun doute pour moi qu’il n’aurait pas corroboré votre interprétation du mot “fuite” dans le cas qui nous occupe ici. Il aurait plutôt enjoint les travailleurs à imaginer une solution différente, avec sans doute des “Idées pour l’autogestion” comme le sous-titre de son livre “La société informationnelle” de 1973. Car il est clair que Laborit était, si on prend le temps de le lire le moindrement, un anarchiste et un idéaliste (vous n’avez pour vous en convaincre qu’à écouter les 5 émissions qu’il avait accepté de faire à Radio Libertaire en 1984). Comme quoi le grand biologiste Laborit aurait été sans doute du côté des idéalistes d’aujourd’hui. Merci de m’avoir donné l’occasion de le rappeler ici.
D’ailleurs je vous laisse avec les premières phrase d’Éloge de la fuite, véritable ode au désir d’aller au-delà des structures établies : “Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime. Vous connaissez sans doute un voilier nommé Désir.” »
Bizarre, je n’arrive pas à croire que notre ami Laborit nous ai quitté déjà depuis près de 1/4 de siècle!😕
Un visionnaire dont les idées sont encore trop dangereuses pour être diffusées dans les systèmes d’éducation des pays occidentaux capitalistes! Oui?🤔
Mais un jour futur…
Namaste!🖖
Hervey au Québec
La fuite dans l’imaginaire créateur, tout en assurant une fonction dans la société avec une apparente soumission pour assouvir ses besoins, mais sans chercher à dominer l’autre. Ces mots de Laborit, d’une apparente simplicité, font si peurs au système de domination.