Il y a presque 4 ans maintenant, le 21 novembre 2014, date à laquelle Henri Laborit aurait eu 100 ans, je lançais ce site web. D’abord pensé comme une simple carte de visite pour mon film, il est vite devenu LE site de référence sur la vie et l’œuvre de Laborit avec plus de 200 articles (en plus des différentes sections du menu du site) et plus de 350 visiteurs par jour durant la dernière année. Tout ça grâce à tous ces gens qui ont eu la générosité de m’envoyer des documents écrits, audios ou vidéos sur Laborit.
Durant les deux premières années, j’ai publié à chaque semaine un billet mettant en valeur l’un de ces documents. La troisième année j’ai baissé le rythme à un billet aux deux semaines, mes autres billets hebdomadaires sur Le cerveau à tous les niveaux et les formations que j’offre me sollicitant de plus en plus. Et dernièrement j’ai pris une pause de deux mois, mon dernier billet sur Éloge de la suite datant du 5 juillet dernier. J’avais besoin de fuir dans les bois ou sur mon vélo, question de mettre en pratique les bons conseils d’Henri et de ne pas devenir un énième cordonnier mal chaussé !
Je vous reviens donc aujourd’hui avec du nouveau matériel (voir plus bas) mais aussi avec une question : quand sait-on qu’on a fini de rembourser une dette quand la personne qu’on rembourse n’est plus là pour nous le dire ? 😉 Je fais bien sûr allusion ici à la dette intellectuelle (et même existentielle) que j’ai contracté à la lecture de Laborit au début de la vingtaine et qui m’a tant aidé par la suite dans ma vie. Bref, j’ai de nouveaux projets qui pointent le bout de leur nez, et comme Laborit me l’aurait sans doute conseillé, j’ai le goût de suivre mon imagination en espérant qu’elle sera utile à mes contemporain.es. Dit autrement : quasiment 4 ans de remboursement de ma dette, c’est tu assez ? Comme je ne le sais pas et ne le saurez jamais, et que ces nouveaux projets me narguent depuis un certain temps, je crois que je vais adopter une solution aussi floue que mon analyse de la situation, c’est-à-dire rendre simplement les publications sur ce site irrégulières, au gré du temps que j’ai et des documents à publier !
J’espère ainsi avoir le meilleur des deux mondes : le sentiment de suivre mes quêtes comme Laborit l’a si bien fait toute sa vie; et continuer à faire vivre cet Éloge de la suite, mais à un rythme un peu moindre, un peu comme le rythme de la vie qui se calme quand on vieillit…
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Pour ce qui est des deux nouveautés d’aujourd’hui, il s’agit de deux articles publiés récemment où les auteur.es, tous deux québécois, renvoient à des concepts laboritiens pour étayer leur réflexion.
Le premier s’intitule « Plan d’évasion » et est sous-titré joliment « Faut-il éliminer les patrons ? ». Publié dans le numéro Automne-Hiver 2018 du magazine Nouveau Projet (un nom qui s’accorde bien avec le bilan que je dressais ci-dessus…), Yves-Marie Abraham fait un dur constat contre les échelles hiérarchiques de pouvoir qui sont partout dans notre société productiviste capitaliste. Et il montre, à l’aide du concept d’inhibition de l’action de Laborit, comment cette inhibition des subordonnés leur est néfaste tant au plan physique que mental. Il se demande ensuite comment se libérer de nos « horreurs économiques » et en arrive à la conclusion que :
« il faut stopper la machine capitaliste », « détruire son moteur, l’entreprise, ainsi que le rapport social qui la fonde, le salariat. » Devant l’inimaginable de l’affaire dans les conditions présentes, il conclut que « c’est là que la fuite s’impose, mais cette fois sous la forme d’un effort de créativité visant l’invention de mondes radicalement autres. ». Il poursuit en notant que pour ce faire, « il y a peut-être plus à redécouvrir qu’à inventer, car ces principes sont ceux du « commun », une institution centrale dans l’histoire de l’humanité, que le capitalisme libéral et les régimes communistes du 20e siècle n’ont eu de cesse de détruire pour mieux s’en nourrir. »
Et il donne ensuite quelques exemples où « les communs fleurissent » à Montréal en citant entre autres l’UPop Montréal et le Bâtiment 7, deux initiatives dont je vous ai déjà parlé et où je suis impliqué. Comme quoi « toute est dans toute », comme on dit ici…
L’autre article est publié par Andrée Mathieu dans l’encyclopédie en ligne de l’Agora sous le titre La ville dans tous ses états. Elle souligne d’entrée de jeu « à quel point une concentration de la population génère une centralisation du pouvoir » et comment « les villes, qui constituent les produits les plus complexes du génie humain, ont acquis une influence déterminante sur la planète et sur les comportements humains. » Puis elle se demande « Y a-t-il quelque chose à faire pour prévenir les effets indésirables d’une telle concentration de pouvoir ? » Et c’est là qu’elle introduit l’apport de Laborit à sa réflexion :
« En 1994, dans le magazine de L’Agora, j’écrivais un texte sur la ville en m’inspirant d’un petit ouvrage publié il y a maintenant près de 50 ans, L’Homme et la ville, par l’un des plus grands scientifiques du XXème siècle, le chirurgien et neurobiologiste Henri Laborit. Très souvent, les idées qui prédominent aujourd’hui ont été préparées, il y a parfois plus d’un siècle, par des penseurs avant-gardistes qu’on oublie trop facilement au nom du progrès et du changement. C’est pour leur rendre hommage que je souhaite rappeler ici quelques-unes de leurs brillantes contributions, les réinterpréter et actualiser certaines de leurs idées sur la ville et les comportements humains à la lumière de la pensée complexe du vivant. »
Je vous laisse lire la suite qui se situe tout droit en continuité avec ce que j’essaie de faire sur ce site depuis novembre 2014…
Mon cher bruno
Je te remercie du fait que grâce à ton site, j’ai pu partager mes réalisations à hydro-Québec qui découlent des idées lumineuses de Henri laborit. Si dette il y a, s’en est une de reconnaissance de l’apport des connaissances, à tous les niveaux, du fonctionnement de cette ‘bibitte’ sociale qu’est l’être humain. Et, à cet égard on peut dire sans l’ombre d’un doute, que tu as fait plus que ta part. Comme tu le dis, il est temps pour toi de poursuivre ta quête qui, je nous le souhaite, viendra alimenter ton site pour le bénéfice de tous et chacun. Merci encore une fois et je te souhaite beaucoup de plaisir dans tes futurs projets.
Merci à toi aussi pour ta contribution Pierre !
Oui, merci à Bruno Dubuc, pour ce site incontournable, un ” Musée Henri Laborit ” se réinventant sans cesse !
Patrice Faubert
bonjour Bruno,
Grand fan de laborit également, je salue ton oeuvre à travers ce site magnifique.
Laborit réunit (intuitivement, ou bien le savait-il ?) bouddha, marx et spinoza comme lordon parvient à le faire depuis les structures empruntées à Bourdieu pour ces 2 derniers grands hommes.
J’ai également découvert les travaux de Bernard Friot (reseau-salariat) sur la valeur de la cotisation sociale, comme fondement anti-capitaliste et changement de regard sur ce qu’est le travail (abstrait, concret). Je trouve qu’il prolonge l’oeuvre de laborit qui butait en impasse sur ce theme du travail dans l’éloge de la fuite, reduisant travail à labeur (travail concret). Les theses de Friot, et la perspective d’un salaire à vie, sont une piste heureuse pour dégager du temps pour la connaissance, l’éveil de la conscience, et l’entrainde, cette autre loi de la jungle comme le décrit pablo sévigné dans son dernier opus.