Le temps des Fêtes est passé, mais il semble que le Père Noël, interprété ici par M. Gabriel Manikowski, continue de nous envoyer des cadeaux ! 😉 En effet, M. Manikowski a eu un excellent réflexe le 16 novembre 1986 et il nous permet une fois de plus d’en profiter. Je le laisse présenter ce qu’il nous envoie cette semaine :
« Cette fois je vous propose un enregistrement audio d’une émission télé du dimanche 16 novembre 1986 (environ 1 heure). Évidemment pas d’image, le son moins bon que pour les deux enregistrements précédents. Un baladeur K7 était placé à proximité du haut-parleur de la télé pour l’enregistrement, télé qui par moment grésille du fait de la mauvaise réception que j’avais dans mon habitation de l’époque.
L’émission “Projection Privée” animée par Marcel Jullian n’était pas régulière (me semble-t-il) et consistait en un entretien avec une personnalité invitée. Pour Henri Laborit, l’entretien s’est fait autour de séquences d’actualité diffusées devant lui, sur lesquelles il était invité à réagir. L’absence d’images dans l’enregistrement ne semble pas trop gênante, les propos verbaux permettant de situer les contextes. »
Je remercie donc une fois de plus chaleureusement M. Manikowksi de nous faire bénéficier de son « baladeur K7 » dont même pour les émissions de télévision avec Laborit qui ne lui échappaient pas ! Il y a même un moment où l’on entend quelqu’un parler au loin dans la pièce où a lieu l’enregistrement et M. Manikowski m’a confirmé que c’était bien lui saluant sa voisine. Il est donc, pour ainsi dire, « immortalisé » avec Laborit grâce à son enregistrement… ;-P
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C’est particulièrement le dernier tiers de cette émission d’un peu plus d’une heure qui m’a le plus intéressé. Vers la 43e minute, par exemple, Laborit y va sans détour pour dire que la guerre permet essentiellement de dérober les ressources naturelles sur le territoire d’autres peuples. Et que du même coup elle sert au maintien des structures hiérarchiques de dominance au sein ces États impérialistes. Tout cela, bien sûr, derrière de beaux discours sur des choses abstraites comme la patrie ou la République qui, encore aujourd’hui, permet d’envoyer des jeunes gens se faire tuer au front.
Dans tant qu’il y aura ce type d’État, « ce sera foutu », pense Laborit. Mais vers la 46e minute, il fait toutefois remarquer que ces États sont déjà, comme en France, constitués de diverses « nations » (Basque, Corse, Vendéenne, Bretonne, etc.). On peut alors être « internationaliste » (avec des finalités pour l’ensemble de l’espèce humaine, comme Laborit l’a souvent souligné) et à la fois « régionaliste ». En autant, précise-t-il, qu’on laisse chaque région s’exprimer et qu’on écoute et tient compte de ce qu’elles ont à dire.
On entend ensuite un extrait avec l’éthologiste Konrad Lorenz avec lequel Laborit est en désaccord sur son approche trop behavioriste, selon lui. Faire l’étude du comportement sans considérer ce qui commande ces comportements, c’est-à-dire le système nerveux c’est, pour Laborit, se couper d’une foule de renseignement pertinents auxquels Lorenz ne semble pas accorder d’importance. Apprentissage, mémoire, pulsion, affectivité, etc., tous ces mots du langage courant, on commence à comprendre à quels mécanismes ils correspondent, martèle Laborit.
Et justement, vers 55 :30, on a accès à des extraits filmés (mais pour nous seulement entendus…) du quotidien de Laborit dans son laboratoire où il étudie ces mécanismes. On commence par l’entendre saluer Jeannine Cordon, sa secrétaire, qui lui demande comment il va. Et Laborit de répondre plus ou moins à la blague : « Bof, comme toujours, un peu déprimé, mais enfin… » pour enchaîner en demandant si tout le monde du labo est arrivé. On l’entend ensuite saluer Mme Baron, l’une de ses collaboratrices, puis l’on entend des bruits d’expériences en cours. Sur ses collègues, Laborit a d’ailleurs ces bons mots :
« Je ne dis pas les gens qui travaillent avec moi, je dis les gens avec qui je travaille. Parce qu’il n’y a pas de compétition hiérarchique. […] Les rapports entre nous ne sont plus des rapports hiérarchiques mais de recherche de plaisir en commun. »
Vers 58 : 20 , de retour sur le plateau de l’émission de télé, Laborit mentionne que les images de son labo qu’on vient de voir proviennent d’un film tournée par une dame (Mme Levihan ? Levighan??, on entend mal…) qu’il remercie. Est-ce le film dont on cherchait l’auteur dans un article de ce site pas plus tard que le 8 décembre dernier ? Mystère… Ça donne en tout cas d’autant plus le goût de voir ces images.
Et à la toute fin de l’émission, vers 1 :06 : 30, considérant le piètre état de notre monde, Laborit y va de son éloge de la fuite :
« La seule façon de s’en tirer, c’est une fuite dans un comportement qui semble être conforme mais qui va jusqu’à la limite de la rupture. Et puis, au dernier moment, trouver un moyen de ne pas faire ce que les autres font et [qui permet] qu’on vous foute la paix !
On n’est jamais mieux qu’en mer, avec quelques amis, des gens qu’on aime, avec quelques étoiles naines, des galaxies dans le ciel, et puis 3000 mètres de fond dans la Tyrrhénienne [mer entre la Sardaigne, la Sicile et l’Italie]. Là on a l’impression d’appartenir au cosmos. »
Alors qu’avec les autres, ce n’est, pour Laborit, que « compétition, compétition, compétition… ». Et cela s’apprend, malheureusement conclut-il, très jeune à l’école.