Comme je l’ai expliqué ici, je donne cet automne un cours sur la cognition incarnée à l’UQAM et je publie chaque lundi dans le blogue du Cerveau à tous les niveaux un résumé de la séance que je donne le mercredi suivant.
Après le survol historique des sciences cognitives de la première séance, j’ai poursuivi cette semaine en parlant de l’autopoïèse et de l’émergence des systèmes nerveux (les présentations complètes en format pdf sont disponibles ici).
Il y a, dans cette deuxième séance, un autre « point de contact » évident avec Laborit et on peut dire qu’il passe par mon film Sur les traces d’Henri Laborit, associé à ce site. On assiste en effet, à la fin de ce film, à l’unique rencontre entre Laborit et Francisco Varela le 9 décembre 1992 au laboratoire de Boucicaut. Or Varela est abondamment cité dans cette seconde séance puisque c’est lui et Humberto Maturana qui ont théorisé, au début des années 1970, le concept d’autopoïèse qui est présenté dans la première partie de la séance et discuté en détail dans la seconde.
Cette définition première d’autopoïèse pour décrire l’essence d’un être vivant (« un réseau complexe d’éléments qui régénèrent constamment, par leurs interactions et transformations, le réseau qui les a produits »), Varela avait dû la bonifier dans ses derniers écrits pour tenir compte non seulement du maintien de l’identité des êtres vivants, mais aussi de leur capacité à tenir compte de leur environnement pour profiter des ressources qui pourraient les aider à maintenir leur structure et fuir les substances ou les situations qui pourraient la détruire.
Les habitué.es de ce site auront déjà reconnu des fondements très similaires dans la pensée de Laborit, en particulier son fameux : « La seule raison d’être d’un être, c’est d’être, c’est-à-dire de maintenir sa structure ». Tout le début de la narration de Laborit dans Mon oncle d’Amérique décrit également cet impératif de la vie de défier temporairement le second principe de la thermodynamique. La même chose sera aussi dite par d’autres, comme Hans Jonas (dont il est question dans la seconde partie de cette séance) ou, plus récemment, Karl Friston (dont il sera question dans la dernière séance de ce cours).
Si l’on revient aux mots de Varela, le « sense-making » qui va alors émerger du couplage d’un organisme avec son environnement peut être associé à la forme minimale de la cognition. Cognition qui sera grandement accélérée chez les animaux avec le développement des cellules nerveuses qui permettront à ce couplage sensori-moteur avec l’environnement de se réaliser très rapidement grâce aux mécanismes de la communication neuronal de l’ordre de la milliseconde.
Mais ça, c’est une autre histoire, celle de la séance suivante où l’on aura encore l’occasion d’apprécier la justesse de la vision de Laborit sur certains aspects du fonctionnement cérébral (je pense aux cellules gliales, par exemple).