Cette semaine, je n’ai pas le temps d’écrire un billet qui présente un article DE ou SUR Laborit parce que je dois continuer de préparer un cours que je vais donner la semaine prochaine sur… Laborit, qui d’autre ?
La présentation s’intitule « Conscience, connaissance, imagination : le leitmotiv de Laborit » et se déroulera mercredi le 6 avril à 19h à la salle l’Auditoire à Montréal. Elle s’inscrit dans le cadre du cours « Deux inclassables du XXe siècle : Walter Benjamin et Henri Laborit », de l’UPop Montréal.
L’idée de cette séance, qui fait suite à une autre sur les intuitions de Laborit sur le cerveau, m’est venue en lisant cet extrait du chapitre sur Laborit écrit par Claude Grenié (p.47) dans l’ouvrage collectif « Biologistes et naturalistes français du XXe siècle » :
« Ce qui donne à l’utopie laboritienne son caractère politique c’est sa proposition, un peu folle aux yeux de certains, de remplacer la devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité », par « conscience, connaissance, imagination », formule qu’il développe ainsi, « conscience de nos déterminismes, connaissance de leurs mécanismes, imagination permettant d’assurer au mieux la survie de l’ensemble des hommes vivant sur la planète ». »
Voilà donc en quelques lignes ce que je tente de mettre en forme pour mercredi prochain en puisant dans les données contemporaines en sciences cognitives et en économie politique pour montrer toute l’actualité de ces idées d’Henri Laborit.
À preuve, l’un des thèmes centraux de sa pensée politique, la nécessaire abolition de toute hiérarchie de pouvoir, se retrouve au cœur d’un article publié le 28 mars dernier sur le site de The Nation et intitulé : « Worker Cooperatives Are More Productive Than Normal Companies » et qui montre que :
“A close analysis of the performance of worker-owned cooperative firms—companies in which workers share in management and ownership—shows that, compared to standard top-down firms, co-ops can be a viable, even superior way of doing business.”
Le remplacement des hiérarchies de pouvoir par des structures organisationnelles plus horizontales est un changement souhaité explicitement par Laborit dans son livre de 1973 Société informationnelle. Idées pour l’autogestion. Plusieurs idées importantes de ce livre seront donc discutées mercredi soir prochain, comme la nécessité de donner accès à chaque individu sur une base quotidienne à une information généralisée lui permettant de mieux se situer dans le monde complexe où il vit. Des idées qui rejoignent d’ailleurs les idéaux anarchistes, comme Laborit ne le cachait pas d’ailleurs.
Car pour Laborit, il est clair que l’on peut trouver mieux que la flamboyante devise française « Liberté, égalité, fraternité » comme idéal pour l’humanité. Pour lui, ces mots sont des fourre-tout avec lesquels on peut et on a justifié les pires guerres et les pires atrocités.
Et nous verrons à quel point les données des sciences cognitives contemporaines donnent raison à Laborit sur le fait que la grande majorité de nos comportements ont une origine inconsciente et comment notre langage conscient, toujours capable de justifier ces actions, nous donne ce que Laborit appelait cette « sensation fallacieuse de liberté ».
Quant à l’égalité et à la fraternité, elles ne sortent pas non plus intactes de l’analyse laboritienne comme en témoigne ces deux citations de Laborit :
« La Vendée est ce pays auquel on a imposé la liberté, l’égalité et la fraternité, la fraternité surtout, en y faisant 500 000 morts. »
« L’égalité des chances ? Pour quoi ? Pour devenir inégal ! Avouez que c’est le comble de l’absurdité. S’élever dans une hiérarchie, mettre la tête de l’autre dans l’eau pour respirer soi-même, c’est ça l’égalité des chances : advenir inégal ! »
Comment combler ensuite le vide vertigineux laissé par ce K.O. technique asséné à l’idéal humaniste classique ? En le remplaçant par un autre trio qui, pour Laborit, mettrait la table pour l’émergence d’une véritable humanité : «Conscience, connaissance, imagination». Cela, bien sûr, s’ils sont appliqués à autre chose qu’au maintien des échelles hiérarchiques de dominance au sein d’un système économique qui empoisonne l’existence d’une majorité d’êtres humains et compromet l’avenir de la planète…
Bon, je m’emporte un petit peu on dirait. Je vais m’en garder pour mercredi…
On dirait aussi que j’en ai écrit un billet, finalement ! 😉
Un merveilleux billet ! Merci
Comme il fallait s’y attendre, ce fut une conférence très riche en contenu et en réflexion. Bruno a livré la marchandise pour notre plus grand profit dans la conduite de nos vies individuelles et collectives.
Voici, ma réflexion que je souhaite vous partager.
Au niveau sociétal,peut-on au ‘minimum’exiger des parties politiques, qui aspirent à diriger le Québec, la mise en place d’une forme de ‘consultation citoyenne’ pour l’approbation des orientations, politiques, lois et règlements qui nous affectent au quotidien. Ainsi, nous aurions au moins la possibilité de co-gouverner notre société, plutôt que de se contenter d’un vote aux 4 ans ou de devoir présenter des mémoires à des consultations publiques, de faire des manifestations ou pire des émeutes(ce qui est souvent le cas des dominés qui se révoltent) pour nous faire entendre.
Mais, cela ne nous dispense pas de devoir APPRENDRE à nous adapter, c’est à dire, à agir aux mieux de nos intérêts au sein de notre environnement pour préserver notre intégrité physique et mentale et surtout pour vivre décemment plutôt que de survivre. Et, cet APPRENTISSAGE ne peut s’effectuer au sein du milieu scolaire, car sa finalité c’est la réussite socioprofessionnel (pour gagner notre croûte et devenir un bon producteur/consommateur) et non nous apprendre à vivre heureux, qui est la véritable finalité de la vie humaine.
Pour ma part,je crois que l’utilisation optimale des capacités cognitives combinée à une conscience humanisée et spiritualisée peuvent permettre un meilleur rapport à soi, aux autres et à l’environnement matériel pour le bénéfice de la survie de l’espèce.
C’est la grâce que je vous souhaite.
Henri Laborit est aussi l’un des pionniers de la theorie de la complexite, initiateur de la pensee complexe et de l’ auto-organisation du vivant par l’introduction de la cybernetique et de la systemique par sa participation au Groupe des dix .