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Laborit au Musée d’art contemporain de Montréal à travers l’œuvre de Patrick Bernatchez

BernatchezSigne de la pertinence de la pensée de Laborit pour notre temps, je commence l’année 2016 en vous parlant de l’exposition “Patrick Bernatchez – Les Temps inachevés” au Musée d’art contemporain (MAC) de Montréal où des extraits de réflexions de Laborit alimentent l’une des œuvres de Bernatchez. Intitulée « Lost in time », l’œuvre en question est un film (dont on peut voir un extrait ici, avec quelques bribes de Laborit à la fin) qui fait partie d’un corpus plus vaste sur notre rapport au temps qu’explore l’artiste interdisciplinaire depuis 2009.

Cette interdisciplinarité est d’ailleurs un points communs entre Laborit et Bernatchez, artiste visuel à la base, mais dont les projets ont essaimé vers le film, l’installation et l’œuvre sonore. Les deux entrevues vidéos avec Bernatchez sur le site du MAC sont d’ailleurs fort intéressantes à cet égard. L’artiste s’y exprime spontanément sur les méandres du processus créatif, une fuite en avant qui le happe au gré des associations que fait son cerveau.

Bon, d’accord, j’avoue que l’allusion au cerveau est de moi et qu’il n’en fait pas directement référence. Mais ce qu’il cite explicitement cependant, c’est l’influence profonde qu’a eu sur lui la lecture de La nouvelle grille et de l’Éloge de la fuite. Il en parle dans l’entrevue vidéo présentant l’exposition (de 3 :55 à 5 :30) où il constate entre autres que :

« Quand je suis retourné à la lecture de l’Éloge de la fuite et de La nouvelle grille, je me suis retrouvé là-dedans. Je réalisais la trace que ça avait laissée dans ma façon d’agir et de me comporter. Dans ma façon de voir le monde aussi. Et puis ça correspondait aussi en plus à ce que je cherchais à dire avec le film qui traite beaucoup des pulsions et de la force du subconscient qu’on répulse tout le temps. Et de comment on essaie d’inhiber ses pulsions avec une pensée consciente. Et dans les propos d’Henri Laborit c’est très présent. »

Le début de l’extrait aurait pu, si j’en juge par les témoignages reçu depuis le lancement de ce site, être dit par bien des gens (dont moi) tellement sont nombreux les systèmes nerveux à avoir conservé des traces de Laborit (Bernatchez dit pluôt des traces dans « sa façon d’agir et de se comporter », mais bon, ce ne sont que deux niveaux d’organisation différents de la même réalité…). Son propos sur les traces résonne également avec celui de mon film Sur les traces d’Henri Laborit (dont la première partie / bande-annonce s’ouvre sur un questionnement de Laborit sur la notion de trace mnésique).

Voilà donc un lien évident pour vous rappeler, en parlant d’exposition, celle qui se tiendra conjointement avec le lancement de mon film le 13 février prochain à la salle l’Auditoire à Montréal. Rien de comparable à l’importante rétrospective du MAC sur Bernatchez, mais tout de même 13 panneaux résumant la vie et l’œuvre de Laborit assortis de 13 extraits de ses livres librement inspirés de chacun des tableaux.

J’aurai aussi le plaisir de donner par la suite deux cours sur les travaux et la pensée de Laborit dans le cadre de l’UPop Montréal (les dates seront annoncées en janvier). L’UPop qui m’amène à faire encore quelques liens, simple conséquence de l’activité d’un cortex associatif motivé (en voulez-vous du Laborit, en v’là ! 😉 ).

Bernatchez adopte une posture de travail dans laquelle ses œuvres passées ne sont jamais définitivement closes. Certains aspects peuvent être repris, retravaillés, et il note que lorsqu’il lance une œuvre, il a toujours l’impression qu’elle n’est pas finie, qu’il y a d’autres facettes qui pourraient être exploitées. Encore une fois, cela rejoint la forme « work-in-progress » que j’ai décidé de donner à mon projet de film sur Laborit dont les différentes parties qui sortent tour à tour seront ensuite « attachées » ensemble pour former un film dont la fin n’est pas encore connue (pas même de son auteur, quoique mon inconscient en a peut-être, lui, une petite idée…).

Une autre image qu’utilise Bernatchez pour parler de son travail, celle de différentes constellations, renvoie cette fois à la deuxième partie du cours de l’UPop qui portera sur Walter Benjamin. Comme j’en ai déjà glissé un mot ici, ces 3 séances sur Benjamin qui suivront celles sur Laborit seront données par le cinéaste Carlos Ferrand qui a coutume de parler des innombrables thèmes abordés par ce touche-à-tout qu’était Benjamin en termes, lui aussi, de constellations. Une manière commune, non linéaire et sans doute moins décourageante, d’appréhender des univers complexes qui a émergé dans ces deux cerveaux marqués par l’approche multidisciplinaire par niveaux d’organisation de Laborit (Ferrand a aussi bien lu Laborit, et l’a même inclus dans l’un de ses films qu’il m’avait généreusement permis de mettre en ligne gratuitement pour les lecteurs et lectrices d’Éloge de la suite).

Je tiens enfin à remercier ma collègue de l’UPop, Anick St-Louis, qui m’a signalé la présence de Laborit dans le film Lost in time de Bernatchez. Anick qui nous signale aussi que l’expo du MAC se termine le 10 janvier, donc avis aux intéressé.es !

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