La retranscription de l’entrevue avec Laborit que je vous propose cette semaine est si riche que je l’ai scindé en deux et publierai la deuxième partie la semaine prochaine. Il s’agit en fait d’un chapitre du livre « Le sel de la semaine », un recueil de sept entretiens que Fernand Seguin avait eu avec des personnalités internationales à la télévision de Radio-Canada de 1965 à 1970.
Fernand Seguin (1922-1988), qui fut d’abord biochimiste, est un pionnier de la vulgarisation scientifique au Québec qui a marqué des générations d’auditeurs et de téléspectateurs. Pour prendre la mesure du personnage et de sa passion contagieuse pour la science et le savoir en général, voir l’article de Luc Dupont intitulé Le dernier voyage de Fernand Seguin.
Dans cet article, l’animateur des Années Lumière, Yanick Villedieu, qui fut un jeune collègue de Seguin au milieu des années 1970, en parle ainsi :
« Lorsque je l’ai connu, il jouissait déjà d’un énorme capital de popularité qui lui venait bien sûr du Sel de la semaine, mais aussi de toutes ses émissions de radio et de télévision auxquelles il avait participé au cours de sa carrière. » Le Sel de la semaine était cette émission où Seguin […] réalisait des entrevues magistrales d’une heure avec de grandes personnalités internationales. »
Villedieu, qui en décembre dernier réalisait l’entrevue avec Jacques Laborit et l’auteur d’Éloge de la suite, nous ramène donc à l’entretien Seguin-Laborit présentée aujourd’hui. Une entrevue mémorable où la passion comprendre de Seguin entre visiblement en harmonie avec celle de Laborit.
Comme je le fais souvent, je vous présente ci-dessous quelques extraits marquants des 7 premières pages (sur 14 en tout). Chaque page est accessible en cliquant sur le lien correspondant.
L’entrevue commence à la page 90 du livre sur la notion de fuite qui, aux yeux de Seguin, traverse toute la carrière de Laborit, depuis ses débuts comme chirurgien de la marine jusqu’à l’Éloge de la fuite, en passant par la découverte de la chlorpromazine. Laborit acquiesce en exposant comment c’est la prise de conscience de l’impossibilité de fuite ou de lutte sur la table d’opération qui l’a mené vers l’hibernation artificielle et, plus tard, vers le concept d’inhibition de l’action.
À la page 91, Seguin relève que Laborit, en suivant cette logique, a été un chirurgien qui au lieu d’agresser ses patients par son intervention chirurgicale tentait de les protéger. Et Laborit ajoute que le fait de perdre tout de même des patients malgré des interventions techniquement parfaites avec les savoirs de l’époque l’a amené à s’intéresser à la physiologie, puis à la biologie générale, à biochimie, etc.
À la page 92, on constate que cette approche multidisciplinaire du vivant dont Laborit fut l’un des pionniers débouche sur une vision plus large de la pathologie qui va inclure l’histoire et l’environnement d’un individu.
On apprend ensuite à la page 93 que Laborit a travaillé sur la toxicité du cadmium pour le ministère de l’Environnement en utilisant l’expérience avec les rats soumis à de légers chocs plantaires que l’on retrouve dans le film Mon oncle d’Amérique. L’extrait suivant résume le protocole mais ajoute une donnée très parlante sur la toxicité du cadmium qui varie selon le niveau de stress de l’animal.
Laborit rappelle ensuite rapidement, à la page 94 et à la page 95, pourquoi et comment, selon lui, se sont établies la compétition et la domination chez l’espèce humaine à partir des parties les plus anciennes de son cerveau. Et comment, jusqu’ici, les systèmes associatifs propres à l’humain n’ont servi qu’à raffiner cette dominance.
Et à la page 96, Laborit de conclure ce volet de l’entrevue avec son espoir qu’une meilleure connaissance des mécanismes qui nous animent pourraient nous éviter de répéter toujours les mêmes erreurs en prenant l’exemple de la révolution russe de 1917.
La suite de de cet entretien, donc, la semaine prochaine…