Comme l'eau qui jaillit/Compétition & Entraide/Niveaux d'organisation/Vidéo

Vidéo de Laborit à l’émission de télévision « Nom de dieux » en 1993

Laborit à Nom de Dieux< MISE À JOUR NOVEMBRE 2017 : Le site SONUMA des archives de la télivision belge a mis l’épisode de l’émission Nom de dieux avec Laborit en ligne ! Vous pouvez donc à nouveau le visionner en suivant ce lien. >

< MISE À JOUR : une requête de droit d’auteur émise le 12 janvier 2016 a rendu le vidéo de l’entretien de Laborit ci-dessous inaccessible sur Youtube. Vraiment désolé pour ce désagrément tout à fait indépendant de ma volonté ! >

Le 11 mars 1993, Laborit était l’invité d’Edmond Blattchen à l’émission Nom de dieux de la télévision publique belge (l’émission avait toutefois été enregistrée un mois avant, le 5 février). Apparue en 1992, cette émission est toujours en ondes aujourd’hui, près de 200 invité.es plus tard. Huit de ces rencontres ont été rediffusées le printemps dernier et le seront encore cet été sur Canal Savoir, dont celle de Laborit demain, dimanche, ainsi que les 25 et 27 août prochain.

C’est dans la foulée de ces rediffusions qu’il me fait plaisir de rendre accessible sur Éloge de la suite (grâce à David Batéjat du site www.NouvelleGrille.info que je remercie ici) le vidéo de cette rencontre mémorable qui a d’ailleurs aussi fait l’objet d’une retranscription intégrale devenue un livre intitulé Henri Laborit : Comme l’eau qui jaillit.

Car la présentation un peu formelle de Blattchen ne laisse pas présager, pour qui ne connaît pas Laborit, que son interlocuteur va “brasser la cage” aux cinq chapitres classiques de la formule de l’émission. Je vous sors ci-dessous après le vidéo un extrait par chapitre, mais les 55 minutes de l’entrevue valent le détour à mesure que Laborit, qui a alors 78 ans, s’anime pour pourfendre l’inconscience humaine et dire tout de même le mince espoir qu’il entretient pour notre espèce…


Chapitre I : le titre
(l’invité réécrit le titre de l’émission en fonction de ses opinions personnelles).

« Ce qui me gêne dans ce terme, « Dieu », c’est que je pense qu’il est non seulement suspect mais qu’il est dangereux. Et je ne suis pas du tout d’accord avec cette phrase qu’on répète, cette tarte à la crème, de Malraux : « Au XXIe siècle, il faudra retourner aux dieux. » Mais, bon Dieu ! les dieux, on en a eu plein les bottes ! Depuis des millénaires ! Et les guerres ! Et les meurtres ! Bien sûr, actuellement, ces guerres et ces meurtres se font avec des instruments beaucoup plus efficaces qu’autrefois, mais ce ne sont pas les dieux qui ont sauvé l’Homme ! Au contraire, ils ont mené l’Homme aux meurtres et aux génocides; à la tuerie. Formuler le concept dans le terme « Dieux » aboutit forcément à l’intransigeance. »

Chapitre II : l’image (une image choisie au préalable par l’invité sert de base à une discussion)

« Et finalement les guerres, actuellement, on appelle ça la guerre économique. C’était le modèle américain, c’est maintenant le modèle japonais. Et on veut nous faire croire que l’écologie va transformer tout ça ! Mais la première chose à faire, si on veut protéger la biosphère, c’est d’empêcher la guerre économique, c’est-à-dire la compétition internationale ! Allez donc dire ça aux chefs d’entreprises ! C’est ça qui aboutit au Biafra, qui aboutit à ce qu’un certain nombre de gens sur la planète, autour de ces zones tempérées, ont pu, dans la compétition, atteindre un degré de technicité très évolué en pompant et en volant les matières premières de gens qui n’avaient pas pu évoluer de la même façon parce que leur espace géoclimatique n’était pas aussi favorable. »

Chapitre III : la phrase (la citation d’un auteur, généralement connu, ouvre une nouvelle partie de l’entretien)

« Mais j’ai été toujours assez conscient de mon déterminisme. Je ne me suis jamais cru très libre. Maintenant, je ne veux pas faire de peine à mes contemporains. S’ils veulent se croire libres pour vivre heureux, grand bien leur fasse ! Malheureusement, la liberté aboutit à l’intolérance. C’est ça qui est dramatique ! Si vous, librement, vous choisissez la vérité; si l’autre, librement, choisit l’erreur, il faut le tuer ! Et c’est ce que vous voyez partout. Tous les gens détiennent la vérité librement. Alors ? »


Chapitre IV : le symbole
(le téléspectateur découvre un objet ou un symbole présenté par l’invité afin d’illustrer ses convictions). Je reprends ici la reformulation, plus synthétique, du 4e de couverture à propos du jet d’eau :

« Depuis ma tendre enfance, je m’arrête toujours devant un jet d’eau, parce que pour moi c’est le miroir de la vie. Les êtres vivants – le prix Nobel Ilya Prigogine l’a démontré – sont des structures dissipatives et des processus instables : c’est ce qu’un jet d’eau représente. Remarquez que cette structure souple, variable, instable, est tout de même stable un certain temps. Mais dès qu’on arrête la pression, il n’y a plus de structure, il n’y a plus de jet d’eau. Ainsi en est-il de la vie. »

Laborit poursuit ensuite, et je continue de le citer pour montrer un peu plus loin toute l’actualité de son propos :

« La dernière phrase de mon livre, Dieu ne joue pas aux dés dit : « J’ai l’impression, quand je vois un jet d’eau, que c’est un miroir de ce que nous sommes. » La plus belle femme au monde ne sera jamais aussi belle qu’un jet d’eau !
[…] Admettons donc le caractère suspect de ce qu’on appelle la beauté. La beauté, pour chacun, est, d’une part, liée à son apprentissage et, d’autre part, liée à la structure de son cerveau… Mais la structure du cerveau est, elle aussi, liée à l’apprentissage ! »

Dans ce dernier passage, Laborit met le doigt sur ce qui distingue notre cerveau d’un ordinateur et qui fait qu’il est si difficile à appréhender. Fait intéressant, Sebastian Seung, un chercheur contemporain qui travaille sur ce qu’on appelle aujourd’hui le «connectome», c’est-à-dire la cartographie de nos connexions neuronales, explique cette grande difficulté en utilisant une métaphore très proche de celle de Laborit, le torrent qui coule sur les flancs d’une montagne (comme je le résume à la fin de cette présentation).

Chapitre IV : le pari (l’émission se termine par la vision de l’avenir de l’invité)

« Une chose qu’on n’a jamais prise en compte, c’est la façon dont fonctionne l’instrument qui nous permet d’être en relation avec les autres, le cerveau humain. Ça part des particules élémentaires, de la molécule, du gène, des neurones, jusqu’à un comportement.
[…] Alors, mon « pari » ? Peut-être arrivera-t-on un jour à répandre ces notions. Comment fonctionne votre cerveau et celui du copain d’en face, de façon à comprendre qu’il n’est pas libre, et vous non plus…
[…] Peut-être que l’Homme est une impasse! Non, je ne pense pas qu’il soit une impasse; il suffirait de pas grand-chose ! Il suffirait qu’il n’y ait plus d’hommes politiques. Mais oui ! Ce sont des grands sauriens, ils sont encore à l’époque secondaire, et tout le monde les croit ! Alors que ce sont des dinosaures ! »

Amen ! 😉

3 réflexions sur “Vidéo de Laborit à l’émission de télévision « Nom de dieux » en 1993

  1. Bonjour,
    Savez vous ou peut on voir les peintures de Laborit ?
    Peut être vous qui êtes en contact avec son fils y avez accès ?
    Milles merci pour vos contenus

  2. Merci pour ce lien qui nous permet de revoir et entendre Henri Laborit avec plaisir.
    Je déposerai la même question que Matias, à savoir : existe-t-il une possibilité de voir les œuvres picturales d’Henri Laborit à votre connaissance ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *