La préparation d’une conférence sur ce qu’est le cerveau et ce qu’il n’est pas donnée hier dans un collège de Québec m’a tenu loin d’Éloge de la suite cette semaine.
Et comme je dois préparer un cours de l’UPop Montréal pour lundi prochain sur le caractère infiniment complexe du cerveau (rien que ça…), je n’ai malheureusement qu’une heure ou deux à consacrer à ce site cette semaine. Mais comme j’avais promis de sortir un billet par semaine, et que la pile de documents sur mon bureau à mettre en évidence sur le site ne baisse pas très vite, je vous lance cette courte réflexion inspirée d’une autre section de la biographie de Laborit écrite par Claude Grenié, celle intitulée « Concepts ».
Grenié y rappelle tout d’abord que :
« Les concepts synthétiques laboritiens ont une double origine; d’une part, l’approche interdisciplinaire de la théorie des ensembles, de la cybernétique et de la théorie des systèmes lui suggère le parcours qui, de la relation à la structure, [et] aux régulations aboutit à la notion clé de niveaux d’organisation, d’information structure et d’information circulante; d’autre part son approche particulière de la pharmacologie est à la source de l’anesthésie potentialisée, de la perception anticipée du rôle des radicaux libres et des systèmes SAA et SIA qui organisent pour une part le système nerveux central. »
La théorie des ensembles, de la cybernétique et de la théorie des systèmes forment un domaine de recherche qui a traversé la seconde moitié du XXe siècle et qui s’avère, en ce début de XXIe siècle, un axe important de plusieurs programmes de recherche sur le cerveau. C’est ce que démontre un livre fort bien documenté comme The Systems View of Life, de Capra et Luisi (2014), par exemple.
En lisant des chapitres de ce livre pour préparer mon cours de lundi, j’ai pensé à Richard Feynman, le grand physicien prix Nobel qui, vers la fin de sa vie, disait qu’il aurait donné cher juste pour feuilleter avant de mourir un simple manuel de physique du baccalauréat, mais publié dans 300 ans. Juste pour voir où en sera la science généralement admise dans trois siècles (ou quelque chose comme ça, je cite de mémoire…).
Cette anecdote m’est revenue à l’esprit en lisant The Systems View of Life parce je me suis demandé ce qu’aurait dit Laborit, seulement 20 ans après sa mort, en lisant à quel point des notions comme la rétroaction négative ou de causalité circulaire, issue de la cybernétique et dont il a été l’un des premiers à appliquer à la biologie, était devenue « mainstream » avec l’importance que l’on accorde aujourd’hui à l’émergence dans des systèmes complexes et dynamiques.
« L’émergence dans des systèmes complexes et dynamiques » qui, pour confirmer et actualiser encore plus la chose, se retrouve parmi les sept tendances en sciences cognitives du blogueur Micah Allen dont je parlais justement lundi dernier dans mon billet de blogue du Cerveau à tous les niveaux.
Laborit fut, on le sait, un précurseur, un « Homme de la renaissance égaré dans notre temps » pour reprendre les mots du titre de la biographie de Claude Grenié. Mais il est bon parfois de rappeler pourquoi. Je laisse d’ailleurs à Laborit le dernier mot :
« La structure des organismes vivants se réalise par niveaux d’organisation. On peut dire que c’est le nombre de niveaux d’organisation qui en exprime la complexité. »
«Et ces systèmes, en se réunissant, vont assurer la structure d’un organisme.»
Je prends des notes pour lundi prochain… 😉 Et je retrouve le montage image ci-dessous, fait il y a quelques années, et qui pourrait encore servir !
P.s. : comme j’en faisais allusion plus haut, Laborit est décédé le 18 mai 1995, il y aura donc exactement 20 ans dans dix jours. Ce site étant né le 21 novembre dernier, date où Laborit aurait eu 100 ans, il ne passera évidemment pas sous silence cette autre date symbolique. J’espère en effet pouvoir sortir alors un premier petit 5 minutes du film associé à ce site.