De fil en aiguille, les messages reçus depuis le lancement de ce site m’ont permis d’entrer en contact avec des gens qui ont côtoyé de près Henri Laborit. C’est le cas de madame Jeannine Cordon qui fut sa secrétaire pendant de nombreuses années et qui m’a récemment écrit ceci :
« Un jour, docteur Jean-Louis Etienne (explorateur) est venu interviewer H. Laborit : une chose inprcroyable s’est passée. Ce ne fut pas Etienne qui interviewait Laborit mais Laborit qui interviewait Etienne, sur lui-même et surtout sur ses motivations. Ce fut un moment magique. Je ne sais si J.L. Etienne s’en souvient et a peut-être gardé l’enregistrement mais ce serait quelque chose encore de très significatif sur notre cher Laborit. »
Ayant trouvé le site web de Jean-Louis Etienne, je lui écrivis donc pour lui demander s’il avait quelque souvenir de cet événement. Voici ce qu’il me répondit et qui, en peu de mots, en dit quand même beaucoup sur Laborit :
“J’avais oublié cet échange avec Henri Laborit. C’était après mon expédition solitaire au pôle Nord en 1986. Nous avions parlé des mobiles, de l’engagement et aussi de la confrontation avec le froid. A mon retour, après 63 jours dans un un froid extrême permanent, la température de mon corps au repos était descendue à 35°5C, ce qu’on appelle une acclimatation de type hypothermique, qui va dans le sens de l’économie énergétique.
Je n’en ai malheureusement aucune trace [de cette rencontre].
Le travail de réhabilitation que vous faites d’Henri Laborit est intéressant et utile; il était tellement en avance sur son temps, un homme très cultivé, très curieux, qui savait faire des synthèses entre les publications scientifiques qu’il lisait et ses interrogations sur les mystères de la vie, de la pensée, de la biologie des adaptations et la chimie du cerveau. Je crois qu’il cherchait l’éternité.
Je vous encourage à poursuivre.
Bien cordialement
Jean-Louis Etienne”
* * *
L’influence qu’a eu Laborit a ceci de particulier qu’elle a été très large. Par exemple, après l’explorateur, voici comment les lectures laboritienne d’un doctorant en physiologie l’ont amené à devenir paysan ! Ou plutôt, pour faire une histoire courte, comment la prise de conscience d’être en inhibition de l’action suite à un dilemme moral impliquant une compagnie pharmaceutique a amené Lionel Barbot à quitter son laboratoire et à devenir ambassadeur d’une paysannerie moderne axée sur l’agriculture biologique !
Pour la version longue de cette véritable histoire de notre rapport à la terre depuis un siècle que Lionel raconte sous la forme originale de la “conférence gesticulée“, voir le vidéo sur ce billet de son blogue “paysandupiekouagami”. De la 49e à la 57e minute, il y résume clairement l’expérience sur l’inhibition de l’action des rats avec le plancher de la cage électrifié que l’on voit dans Mon oncle d’Amérique.
Et dans un billet plus récent, Lionel Barbot parle de Laborit et d’Éloge de la suite en ces termes :
“Il y a 20 ans qu’henri Laborit est mort. Mais son message est peut être encore plus important en 2015 qu’il ne le fut à la fin du siècle dernier. Il me fut en tout cas essentiel de comprendre l’inhibition de l’action qu’il avait mise au jour pour éviter d’y tomber. Ma démission du doctorat en Physiologie animale de l’université de Montréal avant de le soutenir a été rendue possible grâce à la lecture des livres et articles de ce grand chercheur, grand humaniste, auquel Bruno Dubuc consacre un très beau site Eloge de la suite.”