Un lecteur du site, M. Jean-Luc Guinot, m’a soumis il y a quelques jours cette requête. Il s’agit d’un appel à tous qu’il me fait plaisir de publier. Pour le joindre, ses coordonnées sont ici.
“Je commence avec plusieurs de mes étudiants un travail en maison d’arrêt sur le thème : “la fuite, la lutte, la soumission, la plaisir et la douleur, d’Épicure à Laborit”. As-tu connaissance de travaux identiques au Canada? Si un lecteur ici a une expérience de l’enseignement de Laborit en prison je suis preneur de vos avis et conseils.”
Les travaux précédents de M. Guinot dans ce domaine sont si intéressants que je ne peux les passer sous silence et recommande la lecture de l’article “Fac de Nanterre : bienvenue aux « cailleras » !” dont voici un extrait :
“‘‘Les agressions, voire les viols commis à l’université étaient nombreux’’, se souvient Jean-Luc Guinot, responsable de la sécurité de l’établissement.
Evidemment, la première réponse apportée a été sécuritaire : mise en place d’une ribambelle de caméras, embauche d’agents de sécurité… Et évidemment, cela n’a pas servi à grand-chose. Heureusement, le ‘‘Monsieur sécurité’’ de Nanterre avait aussi en poche une licence d’anthropologie. ‘‘Je me suis dit que notre fac avait produit des quantités extraordinaires de connaissances sur les questions de délinquance, de mal-être dans les quartiers, raconte Jean-Luc Guinot. Ces connaissances dormaient dans nos coffres, alors qu’il fallait les faire fructifier.’’ Plutôt que de transformer Nanterre en citadelle hérissée de barbelés, il s’est attelé à la lecture de grands sociologues, de psychologues, de juristes et a mis sur pied un programme. Un programme nommé Kairos, ‘‘le dieu grec du moment opportun’’.
Kairos repose sur une idée simple : plutôt que de s’épuiser à repousser les délinquants hors du campus, mieux vaut leur faire bon accueil, les écouter et revaloriser l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. […] Et pour les jeunes délinquants accueillis, quels sont les résultats ? ‘‘Nous ne pouvons pas encore tirer une conclusion précise de ce que nous leur apportons, mais c’est évidemment positif. A quelques-uns, nous avons redonné le goût de reprendre leurs études et chez tous, nous avons réussi à chasser l’idée que certaines ambitions ne sont pas pour eux. Nous les avons rendus plus forts.’’”
Et pour connaître un peu M. Guinot, je peux vous assurer que parmi les “grands sociologues, psychologues, etc.”, il y avait Henri Laborit !
D’ailleurs, pour clore cet article avec une anecdote assez drôle sur le thème de la prison, je laisse la parole à Laborit lui-même qui la raconte à Jacques Languirand lors de leur entretien de 1987 que l’on peut écouter ici mais dont voici retranscrit le passage en question :
“H.L. – À deux reprises j’ai eu des prisonniers de la Prison de la santé et d’autres qui ont demandé des livres. Alors la première fois je l’ai envoyé, bien empaqueté et il revient le lendemain avec le tampon dessus: Interdit. Bon, je me dis qu’ils ne le veulent pas… j’y peux rien… Puis un autre type me réécrit, un an après au moins, pour me demander des livres. Alors je lui envoie et les livres sont de nouveau retournés. Je prends mon téléphone, je téléphone au garde des sceaux et lui dis: Écoutez monsieur, je voudrais vous signaler tout de même que voilà deux fois où l’on me renvoie des livres. Je trouve que refuser un livre, vraiment…il n’y a pas de bombe à l’intérieur. Ah!, il me dit, vous faites bien de me prévenir parce que j’ai donné des ordres stricts, voyez comme il est difficile de se faire obéir… pour que toute littérature soit autorisée en prison… Bon, et alors est-ce que vous pouvez me renvoyer le paquet? Je dis: oui, il n’est pas ouvert, on ne l’a pas ouvert, on va vous le renvoyer, vous verrez le tampon du vaguemestre. Il dit: mais qu’est-ce qu’il y avait là-dedans?, quel était le livre? Je lui dis: c’est L’Éloge de la fuite. Oh!… nom de Dieu…”