Un gros morceau aujourd’hui ! Suite à l’article de Bernard Calvino présentant la structure du Colloque Henri Laborit tenu au Collège de France le 13 octobre 2000 sous le titre « De l’hibernation artificielle à la psychopharmacologie », j’avais commencé à scanner les articles des actes publiés dans le Tome 29 de « Médecine et Armées », no 3, mai 2001. J’avais déjà présenté le premier article de Jacques Robin intitulé « Le défricheur ». Voici maintenant en rafale les sept autres articles courts que l’on retrouve dans les actes de ce colloque. Chaque article est brièvement résumé et agrémenté d’un extrait significatif pour le bon plaisir de ceux et celles qui veulent entrer un peu dans les détails du travail de Laborit.
“Deux années chez Henri Laborit: une inoubliable initiation à la recherche“, de François Leterrier. L’auteur évoque ses deux années (d’avril 1962 à juillet 1964) passé aux côtés d’Henri Laborit dans le laboratoire de Boucicaut, à Paris.
“Quelle activité dans ce petit laboratoire auquel on accédait par un étroit escalier en colimaçon ! Quel foisonnement d’idées tant théoriques qu’expérimentales ! […] Nul besoin d’une structure hiérarchique pour faire fonctionner la petit équipe qui l’entourait, formée de jeunes soit médecins, soit pharmaciens, soit techniciens; […] Cet esprit de recherche se manifestait par un refus de la spécialisation dans une discipline donnée.”
“Laborit, chirurgien de la Marine“, de Henri Hourlier. L’auteur raconte le début de la carrière de Laborit, de la deuxième guerre mondiale à 1950, mentionnant au passage le tristement célèbre épisode du naufrage du Siroco qui faillit emporter Laborit. Il évoque aussi ce moment charnière dans le parcours de chirurgien de Laborit, celui où, révolté de voir mourir des patients pourtant correctement opérés, Laborit commence à s’intéresser au choc opératoire et à ses mécanismes.
“L’ère de l’hibernation artificielle et de l’anesthésie potentialisée venait ainsi de naître et allait intéresser la plupart des spécialités médicales. Ces premiers résultats donnèrent à Laborit un renom qui n’allait pas tarder à devenir mondial”
“La compréhension physiopathologique en médecine interne et réanimation sous l’éclairage laboritien“, de Alain Larcan. L’auteur montre comment les idées de Laborit ont permis l’application à la clinique des concepts de polarisation membranaire, d’excitabilité neuromusculaire, de perméabilité membranaire aux électrolytes et de métabolisme glucidique.
“Ces idées novatrices, aujourd’hui en partie oubliées, ont permis de mieux faire comprendre aux cliniciens le rôle du métabolisme énergétique et de renouveler la compréhension du milieu intérieur, en insistant sur le fonctionnement cellulaire.”
“L’introduction du Largactil en psychopharmacologie“, de Renaud Van Wunendaele. L’auteur expose le contexte historique dans lequel s’est produit l’introduction de la chlorpromazine (Largactil) en psychiatrie, événement fondateur de la psychopharmacologie. Ou comment une molécule mise au point pour diminuer la réaction au choc chirurgical s’est avéré aussi présenter une action centrale évoquant une interruption entre le cortex et le diencéphale.
“On peut donc penser que les thérapies de choc avaient permis aux psychiatres d’entamer une série de changements qui n’ont pu pleinement se réaliser qu’avec l’introduction des psychotropes.”
“Distinctions et “thérapeutiques heureuses”: Largactil et Viadril en 1954-1955“, de Jean Hainaut. L’auteur montre comment Laborit, en distinguant la réaction organique à l’agression de la réaction dite de défense (alors a priori toujours jugée salutaire), et en cessant de vouloir favoriser la seconde sur la table d’opération, a permis de développer une nouvelle pratique de l’anesthésie et de la réanimation qui a aboutit à la découverte de la chlorpromazine.
“Voltigeur de pointe, Laborit a pris le temps de réentendre trois mots-clefs de la langue courante en biomédecine : réaction de défense, collapsus, choc.”
“L’éloge de la fuite, une dimension clé de la psychobiologie du stress“, de Robert Dantzer. L’auteur montre comment Laborit a pointé très tôt les insuffisances de la théorie du stress de Hans Selye. En montrant que les effets néfastes de l’inhibition de l’action chronique ont le plus souvent chez l’être humain une origine sociale, Laborit a élaboré un pont entre la neurobiologie, l’endocrinologie et la psychologie.
“En s’emparant de ce qui était le plus évident dans les réponses d’ajustement, c’est-à-dire l’action d’un côté et l’ihibition de l’autre, et en élargissant la gamme des actions aux activités de substitution qui n’ont pas de conséquence sur la situation mais fournissent en quelque sorte un dérivatif, un exutoire, à l’excès d’activation, Henri Laborit a contribué pleinement à la psychobiologisation du stress.”
“Un point de vue sur les journées Laborit“, de Maurice Bazot (avec la fin de l’article ici). L’auteur s’emploie à mettre “face à face” deux points de vue différents sur la découverte de la chlorpromazine : celui de Renaud Van Wijnendaele qui décrit le contexte conceptuel dans lequel cette molécule, selon lui, ne pouvait que naître; et celui de Jacques Laborit, le fils d’Henri, exprimé lors des Rencontres des lecteurs d’Henri Laborit à Rochefort en 1999, et qui insiste au contraire sur l’existence d’une rupture épistémologique.
“Pour J. Laborit, la découverte – hors du champ psychiatrique – fut dans un second temps exportée vers les spécialistes de ce champ. Plutôt que le produit d’une recherche en psychiatrie, elle en constituerait l’origine.”
Les trois autres articles de ce colloque, plus longs, feront l’objet de publications séparées.