Le 20 décembre 1990, l’animateur Michel Desautels de Radio-Canada recevait en entrevue Henri Laborit venu prononcer une allocution lors du 8e congrès international sur les soins en phase terminale qui avait lieu à Montréal, au Québec. L’entrevue d’une trentaine de minutes s’est déroulée en compagnie du Dr. Yves Quenneville, psychiatre. Je l’ai retrouvée sur une vieille cassette audio et, après quelques péripéties, elle a pu être numérisée et rendue disponible ci-bas (cliquez sur le triangle à gauche pour l’écouter).
Laborit commence par préciser que c’est d’abord la réaction au choc opératoire qui l’a intéressé et qu’il a tardivement utilisé le mot « stress » mis de l’avant par Hans Selye car il ne savait pas trop ce qu’il recouvrait.
Des années de recherche plus tard, Laborit rappelle qu’ayant participé à la fondation d’une nouvelle discipline qu’on appelle aujourd’hui la neuro-psycho-immunologie, il a pu observer comment toute situation génératrice d’angoisse parce que l’individu ne peut pas agir efficacement (l’inhibition de l’action) a un effet délétère sur le système immunitaire. Effet que le Dr. Quenneville confirme dans sa pratique avec les patients en phase terminale qui souffrent physiquement ou psychologiquement.
D’où la nécessité de contrer la douleur avec certaines molécules, point sur lequel s’entendent les deux médecins, non sans rentrer dans un échange un peu plus technique sur les douleurs qui répondent ou non aux opiacés.
Abordant la question de l’accompagnement des personnes en fin de vie, et après qu’Yves Quenneville eut rappelé que « quand un membre de la famille est malade, c’est toute la famille qui est malade », Laborit y va de cette intervention :
« Un individu, c’est surtout une mémoire. Même si on prend connaissance des relations qu’il puisse avoir dans son environnement immédiat, familial, professionnel, de classe sociale, etc., tout ce qu’il a engrammé, tout ce qui est rentré dans son système nerveux et qui est codé dans ses neurones, on ne peut pas le savoir, on ne peut pas le connaître. Bien que les psychanalystes pensent qu’après un certain temps de séances de divan ils parviendront à le faire sortir. Mais à travers quoi ? Un langage, mais un langage qui est toujours biaisé. Je suis incapable de connaître mon inconscient. Tout ce que je sais, c’est que je m’en méfie, que j’ai quelques grands cadres que mon métier m’a appris et qui me permettent de dire : attention, là j’émets un jugement, je pense ça, mais qu’est-ce qu’il y a derrière, quel est mon apprentissage et mes automatismes culturels qui, depuis ma naissance, aboutissent à ce jugement.
Et ça, c’est très difficile [à négocier avec les personnes en fin de vie] parce que c’est avec chaque membre de la famille… Et vous savez comme moi que la famille, c’est la haine, l’amour [les compétitions, les conflits, tout] […] C’est donc très difficile pour un médecin comme Quenneville d’avoir un rapport harmonieux et efficace entre le malade ou le mourant, et la famille. Moi je ne sais pas comment vous faites, ça doit pas être commode… »
Cela dit, Laborit termine l’entrevue en disant qu’il est d’accord pour expliquer au patient la maladie dont il souffre et ses conséquences possibles, même très sombres. Mais il ajoute qu’il faut également lui laisser de l’espoir, parce que c’est ce qui donne le goût de se battre, d’agir. Et qui aide ainsi à avoir un système immunitaire qui n’est pas déprimé par l’inhibition de l’action et qui peut encore aider l’individu.
En terminant, si vous voulez avoir des conseils pratiques sur la manière d’accompagner un proche malade, je vous invite à écouter ce vidéo d’une quinzaine de minutes d’un entretien du Dr. Yves Quenneville diffusé le 9 février 2009 sur le site Passeport Santé.
Merci pour cette entrevue-audio avec les Drs Laborit, Quenneville et M. Desautels comme animateur. Cependant, le lien qui mène à Passeport-Santé sur l’accompagnement d’un proche malade avec le Dr Quenneville n’est pas valable. Ce lien mène effectivement à Passeport-Santé, mais la vidéo concerne l’incontinence urinaire.
Je viens de changer le lien. Il pointe maintenant vers une page où l’on peut cliquer un lien (sous l’image du Dr. Quenneville) pour écouter le vidéo. Merci d’avoir mentionné le problème!