Difficile de travailler aujourd’hui. Je voulais mettre en ligne le premier texte du Colloque Henri Laborit du 13 octobre 2000, mais ça devra attendre quelques jours. Même chose pour le gros dossier des interventions de Laborit à Hydro-Québec prévu par la suite. C’est que, comme je l’écris depuis quelque temps sur la liste Rézo qui est devenue entre autres le véhichule de diffusion de ce site, “vient un temps où l’on n’a que faire des séparations arbitraires…”. Laborit ne disait d’ailleurs pas autre chose il y a plus d’un demi siècle avec son approche multidisciplinaire, des particules élémentaires jusqu’aux sciences sociales, alors que l’immense majorité de ses contemporains ne juraient encore que par les spécialistes bien cloisonnés dans leur domaine.
Tout ça pour dire qu’avec les événements de ce matin à Charlie Hebdo, les souvenirs se bousculent dans ma tête. Ayant contribué pendant 12 ans à la coordination du journal Le Couac, un mensuel satirique québécois, j’avais coutume de le présenter comme le “petit cousin québécois” de Charlie Hebdo. Nous avons d’ailleurs eu pendant longtemps une entente avec Charb qui nous laissait publier gracieusement ses dessins (comme ici dans le livre des 10 ans du Couac), fruit de son amitié avec Jean-François Nadeau, co-fondateur du Couac. Sans parler d’un autre collaborateur durant de longues années au Couac, Normand Baillargeon, dont le célèbre Petit cours d’autodéfense intellectuelle avait été illustré par le même Charb.
Veut veut pas, les gens de Charlie Hebdo ont donc laissé des traces dans mes synapses. Et d’assez joyeuses traces, malgré les petites (et les grosses) chicanes avec Siné, etc. Les événements de ce matin réactivent tout cela mais me rappellent aussi certaines citations de Laborit que je me contenterai de vous partager ici. Elles tournent autour de l’ignorance et du langage, le second servant souvent à justifier la première et à pousser des encore plus ignorants à commettre l’indicible. Et tout ce qui entretient cette ignorance dans nos sociétés (les dominants, leur gouvernement, leurs grands médias) la plupart du temps dans l’inconscience de leur propres alibis langagiers ont donc une responsabilité dans des gâchis comme celui d’aujourd’hui.
“Ce n’est pas en organisant l’ignorance dans une société sans classes que l’on parviendra à la culture, c’est-à-dire à la connaissance, absolument indispensable à l’action.”
« Ceux qui profitent de cette ignorance, sous tous les régimes, ne sont pas prêts à permettre la diffusion de cette connaissance. Surtout que le déficit informationnel, l’ignorance, sont facteurs d’angoisse et que ceux qui en souffrent sont plus tentés de faire confiance à ceux qui disent qu’ils savent, se prétendent compétents, et les paternalisent, que de faire eux-mêmes l’effort de longue haleine de s’informer. »
“La Vendée est ce pays auquel on a imposé la liberté l’égalité et la fraternité, la fraternité surtout, en y faisant 500 000 morts.”
Et cet extrait d’une biographie de Laborit non encore publiée par Claude Grenié, p.47 :
“Ce qui donne à l’utopie laboritienne son caractère politique c’est sa proposition, un peu folle aux yeux de certains, de remplacer la devise républicaine, “liberté, égalité, fraternité”, par “conscience, connaissance, imagination”, formule qu’il développe ainsi, “conscience de nos déterminismes, connaissance de leurs mécanismes, imagination permettant d’assurer au mieux la survie de l’ensemble des hommes vivant sur la planète”.”