Faisant écho à l’anecdote racontée par Jean-François Maurin dans l’article « Que la Marine ait été mon deuxième père, c’est sûr. », j’ai reçu récemment ce courriel d’Étienne Guibal (Bx 43) qui va dans le même sens.
« En ce qui me concerne, ancien anesthésiste, je ne peux occulter le rôle majeur qu’il fut le sien pour le confort de l’opéré (et celui du chirurgien) par la mise au point de la neuroleptanalgésie …après avoir connu l’asphyxie à l’éther ou au chloroforme puis l’assommoir du penthotal, l’adjonction des curarisants et des cocktails lytiques ont été une réelle avancée. Pour la petite histoire signalons que Michel Reynier, peu de temps avant sa mort, avait écrit un hommage à son ancien patron. Cet hommage a été lu, au cours d’une séance de l’académie de Montpellier par notre camarade André Savelli. »
Extrait du beau texte de Michel Reynier cité par M. Guibal (et aussi accessible par notre page Biographies) :
“[Laborit] était habité par une exceptionnelle capacité à discerner, dans un ensemble biologique complexe, les ajustements réciproques, multiples et étagés dans les relations des parties et du tout de cet ensemble, et à les intégrer dans une vision dynamique ouvrant la voie à de nouvelles possibilités d’action dans le domaine Biomédical ou, plus accessoirement, dans celui de la Sociologie qu’il a aussi abordé. Capacités de discernement et d’intégration qui étaient guidées par ce qu’il a appelé « le secret des secrets », c’est-à-dire l’identification des niveaux d’organisation, ceux de leurs propres éléments de régulation fonctionnelle et ceux de leurs liens de dépendance. Le secret des secrets, c’est-à-dire la notion de niveaux d’organisation permet de ne jamais se limiter dans l’examen d’un problème au sous ensemble qui nous est proposé. De ne jamais, en présence d’un évènement, d’une action, se restreindre à l’intérêt de l’individu ou du groupe, mais de considérer si possible la signification de l’évènement et de l’action à l’égard de l’espèce, c’est-à-dire de l’humanité toute entière.”
Voir aussi l’Éloge du pharmacien-chimiste principal de marine Léo-Michel REYNIER où l’on fait mention des “liens d’amitié, de confiance, de complicité intellectuelle, établis à cette époque avec Henri Laborit [qui] ne se démentiront jamais.”
Un écho en appelant un autre, ces souvenirs maritimes m’ont rappelé cette anecdote que je cite à la fin de mon résumé synthèse de l’année 1939 :
Quand le stage sur le bateau touche à sa fin, le commandant demande aux jeunes médecins de rédiger un journal de croisière « qui ne soit pas ennuyeux à lire ». Laborit en profite pour se venger des frustrations de Toulon et caricature les comportements des gens de la Marine. Cela lui vaut 30 jours d’arrêts ! Une première bravade contre la hiérarchie, mais pas la dernière.
Or il y a une autre anecdote, dans La vie antérieure, qui m’a toujours fait sourire et que j’aimerais rappeler ici parce qu’elle montre que la Marine a eu certes une grande influence sur la pensée de Laborit mais pas nécessairement toujours par les voies auxquelles on pourrait s’attendre…. Comme lorsqu’il écrit, p.47 :
« Toute cette cuisine hiérarchique me paraissait d’ailleurs inéluctable et je ne pensais même pas à la contester ni à en déceler le ridicule. Ce n’est que plus tard, en palpant la prostate d’un amiral, que j’eus la brusque conscience de la fragilité des dominances et des marques extérieures de respect. »
Voilà l’une des raisons pour lesquelles je ne me lasse pas de lire ce type et d’écrire des articles dans ce site : on ne s’ennuie jamais avec lui !