Voici donc le lien de la page vous permettant de réécouter l’entrevue faite par Yanick Villedieu en « duplex » avec à Paris le Dr. Jacques Laborit, le fils d’Henri Laborit, et votre humble serviteur… (ou le lien directe de l’audiofil ici)
L’entrevue a été diffusée dimanche le 21 décembre 2014 à l’émission scientifique de Radio-Canada Les Années Lumière et je remercie encore M. Villedieu de l’avoir réalisée car, comme le mentionne Jacques Laborit durant l’entrevue, c’est le seul média audio-visuel qui a souligné le centenaire de Laborit. Comment expliquer cela ? Ceux et celles qui connaissent un peu la vie et l’oeuvre de Laborit ne s’étonneront qu’à moitié de cet “oubli” dont l’épisode du 40e anniversaire de la commémoration de la chlorpromazine rapporté par Jacques Laborit dans l’entrevue n’est qu’un exemple parmi tant d’autres où Laborit a été “tassé”, comme on dit, par l’establishment médical, quand ce n’est pas l’establishment tout court…
Je voudrais d’ailleurs revenir sur quelques autres éléments de l’entrevue car ça va vite une entrevue, et on ne trouve pas toujours sur le coup la phrase punch ou le concept clé qu’on résumerait parfaitement en une couple de phrases…
Car au fond, quand Yanick Villedieu me demande à la fin s’il y avait un mot pour résumer Henri Laborit, un autre mot que “multidisciplinaire” qui peut tout aussi bien venir à l’esprit serait “révolutionnaire”, tant sur le plan scientifique que politique. Politique dans la mesure où ce qui provoque très souvent l’inhibition de l’action, dont on parle entre autres dans l’entrevue, c’est de se retrouver à souffrir de l’incapacité d’agir parce qu’on est pris dans une hiérarchie de pouvoir. Et comme nos systèmes sociaux et politiques ne sont à peu près que ça, des hiérarchies de pouvoir, alors le bien-être des individus passe ni plus ni moins par leur abolition. C’est ce que Laborit a expliqué durant une bonne partie de se vie. Et qui fait qu’il ne s’est pas fait que des amis…
Au niveau scientifique, l’explication du caractère révolutionnaire des découvertes de Laborit peut s’expliquer en passant curieusement par l’origine de cette entrevue. En effet, j’ai eu l’idée de signaler l’existence d’Éloge de la suite à Yanick Villedieu en écoutant la chronique “doc post-doc” de l’émission des Années Lumières de la semaine passée. L’étudiante post-doctorale travaillait sur l’éclampsie, une complication qui survient chez la femme enceinte et qui peut être fatale. Cela m’a rappelé un passage du résumé synthèse que j’ai fait à partir des biographies de Laborit où ce dernier racontait que c’est la mort de jeunes femmes enceintes par éclampsie qui avait provoqué chez lui une grave remise en questions des concepts opératoires qu’il appliquait alors en tant que jeune chirurgien, comme on le lui avait apris.
Un texte que j’ai sorti de l’année 1949 de mon résumé synthèse pour en faire un article autonome tellement ce qui y est raconté m’apparaissait fondamental pour comprendre Laborit est celui que j’ai intitulé : “Les cocktails lytiques : un renversement du paradigme des « moyens de défense » de l’organisme”. Je vous invite donc à y jeter un coup d’oeil pour comprendre comment cette histoire d’éclampsie, curieusement à l’origine de la révolution de paradigme qui va suivre pour Laborit ET de cette entrevue (car c’est à la suite de cette écoute, donc, que j’avais écrit à M. Villedieu…), comment donc ces deux événements convergent ici pour donner cet article sur cette entrevue… 😉
Quelques extraits de l’article en question:
“Laborit constate qu’en fin de compte, ces moyens de défense, personne ne les définit clairement. Il pose alors l’hypothèse que ces « moyens de défense » ne défendaient au fond la vie qu’en permettant la fuite ou la lutte, les deux réponses adaptatives à une agression.
Sur une table d’opération, la lutte ou la fuite ne pouvant évidemment pas s’exprimer, Laborit postule que les modifications physiologiques associées à ces moyens de défense pourraient alors se retourner contre l’organisme.”
“Laborit a l’idée, parfaitement hérétique à l’époque, de faire cesser la pratique de la vasoconstriction (autrement dit de ne pas chercher à maintenir les soi-disant « moyens de défense).
Voilà peut-être la trouvaille la plus audacieuse et la plus fondamentale de Laborit puisque comme on va le voir, un grand nombre de ses découvertes subséquentes, dont celle de la chlorpromazine, vont s’appuyer d’une façon ou d’une autre sur ce postulat.”
“Laborit se met donc à rechercher activement des substances capables de bloquer l’action de certains médiateurs chimiques du système nerveux végétatif responsables de la vasoconstriction. […] Il […] décide d’essayer sur ses patients ce qu’il nomme ses « cocktails lytiques ». Pourquoi « lytiques » ? Parce qu’ils lysent ou détruisent les catécholamines vasoconstricteur comme l’adrénaline et la noradrénaline.
Ces cocktails lytiques se montrèrent parfaitement efficaces pour traiter les éclampsies et Laborit n’eut plus jamais à déplorer de décès pour une telle maladie. Et aujourd’hui encore, on emploie ce mélange médicamenteux quand on a un cas diagnostiqué.
Mais surtout, ces cocktails lytiques vont ouvrir la voie au premier neuroleptique, c’est-à-dire la première substance capable de réduire les psychoses, qui sera la chlorpromazine.”
Bonjour Bruno
Une très belle entrevue où l’on découvre le père, le scientifique et l’écrivain qu’il fut à travers les yeux de son fils et de toi qui a été positivement touché par son information sur l’être humain à la fois éclairante et libératrice.
Infirmière psychiatrique à partir de 1956, j’ai vécu l’arrivée de la chlorpromazine à l’HP de Saint-Egrève où Robert Millon était en poste comme médecin psychiatre – j’ai été la première infirmière extériorisée pour suivre la bonne prise du traitement des patients sortants, dont certains avaient été “internés’ de longues années.
J’ai écrit un manuscrit ‘l’INTRUSE’ (la voix qui tue) Lazine Dinausore – Edilivre -pour parler de
cette véritable épopée qu’a été cette arrivée et prescription du ler neuroleptique et rendre hommage à ceux qui en ont été les instigateurs – MERCI à eux !
Le fonds Laborit est-il toujours à Créteil ?