< MISE À JOUR DU 21 MAI 2016 : Sur les traces d’Henri Laborit est maintenant en ligne ici (en 6 morceaux) et là (en un seul morceau !).>
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Pour l’explication la plus à jour de ce work-in-progress que constitue le film “Sur les traces d’Henri Laborit”, voir ici l’article écrit le 9 décembre 2015.
Le texte qui suit, qui décrit la genèse et le tournage du film, a été publié lors du lancement du site le 21 novembre 2014.
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« Tout a commencé avec… » Avec quoi au juste ? Tout est là. Je veux dire : tout le sujet du film est là, carrément ! Car l’origine de ce film, mon origine et l’origine de la vie même s’y entrecroiseront constamment.
Mais comme il faut bien commencer cette présentation quelque part, prenons pour acquis que cet individu appelé Bruno Dubuc existe depuis quelques décennies. Comme tous les humains, il a subi toutes sortes d’influences qui l’ont amené à faire ce qu’il fait aujourd’hui pour « gagner sa vie ». Les humains ont en effet ceci de particulier qu’ils doivent échanger du temps passé à faire quelque chose (qui ne leur plaît pas toujours) contre de d’argent qui s’échange généralement contre un toit et de la nourriture…
Dans le cas de l’individu qui nous intéresse ici, il a de la chance puisque ce qu’il fait pour gagner sa vie correspond à une quête fondamentale qu’il a depuis l’adolescence : essayer de se comprendre. Et depuis que ses lectures d’un certain Henri Laborit au début de la vingtaine lui ont fait comprendre que ce « se » correspondait à son cerveau, eh bien il essaie de comprendre ce cerveau. (bon, il a depuis appris à tenir compte de son corps et de l’environnement où il évolue dans cette quête, influencé depuis par un autre personnage de ce projet de film, Francisco Varela, mais nous y reviendrons sous peu…)
Et donc il a étudié en neurobiologie et a conçu un site web sur le sujet (le Cerveau à tous les niveaux, au www.lecerveau.mcgill.ca) qui l’amène quotidiennement à expliquer à ses contemporain.e.s les avancées dans ce domaine. Et comme cette « vocation » est en grande partie due à Laborit, il lui avait dédié ce site web.
Revenons au « je » (parce que le « trip » de la 3e personne atteint ici ses limites)…
Un beau jour, il y a quelques années, je reçois un courriel d’une dame, Hélène Trocme-Fabre, qui me félicite pour mon site. Elle ajoute au passage qu’elle a connu personnellement Henri Laborit lors de ses fréquents passages à La Rochelle, en France, où elle habite. Pour faire une histoire courte (car c’est l’art du cinéma de concentrer la vie…), je lui fais évidemment une belle réponse et nous nous mettons à correspondre par courriel. Au fil de notre correspondance, je découvre qu’elle est également la co-traductrice en français de L’arbre de la connaissance, un ouvrage de Francisco Varela et de Humberto Maturana qui m’avait beaucoup marqué quelques années auparavant. En fait, Varela vient probablement bon deuxième dans la pas si longue liste de mes influences intellectuelles marquantes.
À partir de là, tout va débouler très vite, comme on dit. Hélène va me faire connaître son amie Michèle Duzert qui enseigne à Rennes et qui, elle aussi, a personnellement connu et Laborit, et Varlela ! Cette dernière, avec qui j’entreprends alors également une correspondance, va m’apprendre ce qui va constituer le véritable point de départ de ce projet : une rencontre qu’elle a organisée en 1992 au laboratoire de Laborit entre celui-ci, Varela et 3-4 autres personnes. Et puis ceci, qui m’a jeté en bas de ma chaise : cette rencontre est la seule connue entre mes deux « héros » et a été filmée par elle et jamais diffusée !
Non seulement ça, elle ajoute que ce fut un véritable « clash » où les deux hommes ne se sont pas, mais alors là pas du tout compris ! Imaginez l’obsession qui naît alors dans mon petit cerveau : « je veux voir cette vidéo, je veux voir cette vidéo, je veux voir cette vidéo… »
À peine quelques mois plus tard, comme si ce n’était pas déjà assez, je reçois un courriel d’une autre dame, Caroline Carrat, toujours à cause de la dédicace à Laborit sur mon site, qui me dit comme ça : « Je l’ai connu, d’ailleurs ici à Lurs, où il avait sa maison de campagne, il y a encore plein de monde qui l’ont connu et qui pourraient vous en parler… Et ça me ferait plaisir de vous les présenter… »
Voilà donc comment, à partir de ces quelques mois de l’automne 2010, je savais que je ferais un film « autour » de tout ça… Je ne savais pas quand, mais je savais que je le ferais, comme je l’ai su à un moment donné pour les quatre longs métrages que j’ai réalisés précédemment de façon indépendante (voir au www.brunodubuc.net).
Mais bientôt, des dates se sont mises à clignoter dans ma tête : 2014, qui sera le centenaire de la naissance d’Henri Laborit ; 2015, qui sera le vingtième anniversaire de sa mort ; et mars 2015 où je passerai moi-même, mine de rien, le cap du demi-siècle…
Le tournage de juillet 2012
Au début de l’année 2012, je décide de planifier un séjour d’un mois en France en juillet pour compléter le tournage de mon dernier film La fin des vacances. J’informe alors Hélène, Michèle et Caroline de mon passage sur le sol français et reçoit coup sur coup autant d’invitations à aller les saluer pour la première fois en personne. J’ose alors leur demander si elles auraient des objections à ce que je filme les échanges que nous aurons forcément sur Laborit et Varela. Aucune objection.
Voilà donc comment je suis parti au début du mois de juillet 2012 avec un itinéraire digne d’un rallye. Celui-ci m’a amené d’abord dans le Cantal car entre-temps (un bonheur n’arrive jamais seul…) une autre personne, François Sébastianoff, m’avait écrit toujours pour la même raison (la dédicace à Laborit sur mon site) et voulait lui aussi m’accueillir pour me parler de Laborit !
Puis ce fut le tournage de La fin des vacances en Haute-Provence qui m’a amené jusqu’à Lurs où Caroline m’a fait rencontrer François Grisolle (ancien restaurateur du village et « fils adoptif » de Laborit, Olivier Peray, le fils d’Edmond Peray (ami d’enfance de Laborit avec qui il a peint toute sa vie), et une amie des enfants de Laborit. Tout ce beau monde a accepté d’être filmé et m’ont fait des confidences émouvantes sur Laborit.
Puis ce fut le séjour à La Rochelle où Hélène m’a parlé de son étonnante trajectoire de linguiste pionnière des sciences du cerveau en France (elle est, comme M. Sébastianoff, octogénaire). J’ai aussi eu le privilège, grâce à elle, de rencontrer l’un des plus fidèles amis de Laborit, Claude Grenié, qui a écrit le Derniers entretiens avec Laborit publié à titre posthume en 1996. Grenié m’a reçu chez lui et c’est un être absolument passionné et passionnant sur l’œuvre de Laborit qui m’a parlé durant deux heures lui aussi devant la caméra.
Le tout s’est terminé à Rennes où Michèle Duzert m’a reçu et raconté, toujours devant la caméra, son parcours atypique de prof de gym devenue l’une des praticiennes les plus audacieuses des enseignements de Varela dans une école de commerce ! Et, bien sûr, elle m’a montré la fameuse bande vidéo de la rencontre Laborit / Varela…
J’ai donc eu l’opportunité de faire ces tournages suite à l’invitation spontanée de tous ces gens lors de ce passage en France en juillet 2012. Mais j’ai saisi cette chance, et comme on dit, « je n’ai pas été déçu »… Je me retrouve en effet avec presqu’une quinzaine d’heures de rushes d’une richesse incroyable et un projet qui peut partir dans tellement de directions que ça me donne le vertige ! D’où les mois de travail nécessaires qui m’attendent pour donner une forme à tout cela.
La « pièce manquante du puzzle »
Il vous manque encore en effet une pièce importante du puzzle pour comprendre à quel point ces parcours entrelacés peuvent se tricoter de façons multiples et diverses. Cette pièce, elle s’appelle Roland, Roland Bibeau. Roland est né, hasard extraordinaire, exactement comme Laborit, en 1914. Mais pas à Hanoï, au Vietnam, comme le biologiste français fils d’un médecin de la Coloniale. Non, Roland est né à St-Hyacinthe, au Québec, d’un père et d’une mère qui s’étaient rencontrés à l’usine de textile Penman’s de la ville.
À 15 ans, Roland a commencé à travailler lui aussi à la Penman’s de St-Hyacinthe et allait y passer environ les 35 années suivantes de sa vie. Roland et sa conjointe Lucienne ont eu sept enfants, dont la plus vieille se nomme Micheline. Micheline a rencontré Gilles, son futur époux, sur une allée du bowling de la rue Ste-Anne, à St-Hyacinthe (voir mon court métrage Absence de nécessité pour le récit de cette rencontre). Et finalement, vous commencez peut-être à vous en douter, Micheline a eu quatre enfants, dont le plus vieux s’appelle Bruno…
Roland était donc mon grand-père, et c’est celui de mes quatre grands-parents dont j’étais le plus proche. Il est décédé en 2002 mais j’ai pu, lors d’événements familiaux quelques années avant sa mort, le filmer un peu. J’ai aussi, depuis un an ou deux, effectué quelques tournages avec ma mère et deux de ses sœurs, par exemple au cimetière où est enterré Roland, ou dans un musée de textile à Ulverton, en Estrie, où l’on expose des machines en tout point similaires à celles qu’il y avait à la Penman’s.
Voilà donc comment l’histoire de Roland, que je pourrai raconter avec ce matériel, permettrait d’une part d’illustrer certains concepts mis de l’avant par Laborit (comme la fuite, la lutte ou l’inhibition de l’action), et d’autre part de faire un parallèle pour le moins contrasté entre la vie de Laborit, qui allait tant influencer mon destin, et celle de Roland, qui allait non pas l’influencer mais tout simplement le rendre possible !
Où j’en suis et ce que j’envisage maintenant de faire
Il est clair pour moi que je ne veux pas essayer de faire un film « sur » Laborit (considérant l’ampleur insoupçonné qu’a finalement pris ce site web) ou « sur » Varela (un superbe film, « Monte Grande, what is life ? », existant déjà), mais bien « autour » de ces deux personnages, qui ont été pour ainsi dire des « attracteurs étranges » pour les différents personnages du film. Ce concept d’attracteur étrange de la physique du chaos me donne l’occasion de souligner que j’aimerais que la forme même de ce récit s’inspire des concepts clés de ses deux personnages principaux, un peu comme les différents niveaux d’organisation du vivant si chers à Laborit ont été intégrés dans l’ergonomie même de la navigation du site web le Cerveau à tous les niveaux au www.lecerveau.mcgill.ca et en fait, de l’avis de plusieurs, son originalité.
Je pense par exemple ici à cette « logique circulaire », si importante pour Varela, qui m’inspire déjà des allers-retours constants entre les différents événements qui ont marqué ces parcours individuels qu’on va voir s’entrecroiser dans le film. Le concept de « dérive » également, du même Varela, moins au sens premier phylogénétique comme il l’employait, c’est-à-dire comme moteur d’évolution alternatif à la sélection naturelle darwinienne, mais comme dérives ontogénétiques, c’est-à-dire à l’intérieur d’une vie, quand de petites bifurcations que l’on prend un peu au hasard infléchissent à jamais notre destin.
Le travail qui m’attend consiste donc à suivre ces nombreuses pistes et à essayer d’identifier les points de contact, les ponts permettant de passer d’une vie à l’autre d’une manière reflétant le plus possible les grandes idées de Laborit et Varela. Impossible ici de ne pas penser au film d’Alain Resnais, Mon oncle d’Amérique, qui réussit si bien à intégrer les théories de Laborit sur l’inhibition de l’action à l’histoire de ses trois personnages principaux. Loin de moi l’idée de m’y comparer, mais comme c’est le seul film sur Laborit connu du grand public, Grand prix spécial du jury à Cannes en 1980 de surcroît, cela demeure une référence incontournable.
De nombreux documents papiers sur Laborit m’ont également été donnés par son ami Claude Grenié, et je sais qu’ils regorgent d’information même si je n’ai eu le temps que de les survoler à date. Même chose pour les dossiers de documents numériques que j’entretiens depuis des années sur Laborit (et qui sont loin encore d’être tous intégrés à ce site) et Varela : des heures de plaisir m’attendent également de ce côté. Sans parler des notes et photos que j’ai prises lors de mes deux passages aux Archives Henri Laborit à l’hôpital Henri Mondor, à Créteil, en banlieue parisienne, les deux fois que j’y suis allé, en janvier 2009 d’abord, puis en juillet 2012.
Ce qui m’attend pour le montage du film est donc essentiellement un travail de débroussaillage, de sélection et de mise en forme pour arriver à structurer cette histoire très personnelle. Personnelle non seulement parce que je parle de ma famille, mais aussi parce qu’elle concentre tout ce qui a animé jusqu’ici ma courte vie : ma passion pour la science, pour la comprendre et pour la rendre accessible au plus grand nombre, et le fait de pouvoir le faire avec des images et des sons, cet art qu’on appelle le cinéma et qui, dans ma démarche, est un peu une sorte de miroir dans lequel on se regarde traverser l’Histoire.
Mais cette histoire, j’ose croire qu’elle sera aussi universelle par sa quête des origines, par son enquête sur les bifurcations qui forgent le parcours de tout individu. Et bien sûr, dans le cas qui nous intéresse ici, le film s’ouvrirait par cette énigmatique rencontre filmée en 1992 entre Laborit et Varela, pour ensuite faire un grand bond en arrière en 1914, date pour le moins importante dans la petite histoire de mon existence…
C’est ce travail, considérable, que j’aimerais pouvoir réaliser dans les mois ou les années qui viennent, dépendamment si je peux recueillir des fonds pour me libérer du temps ou pas (ce qui m’obligera à faire plus de conférences, mon nouveau gagne-pain, pour vivre).
La section suivante sur le financement explique comment vous pouvez contribuer au film à ce niveau.
BRUNO DUBUC
Bonsoir
J’aime beaucoup votre site.
HENRI LABORIT à apporté une nouvelle réalité à ma vie.
Une réalité beaucoup plus objective.
Je n’est pas beaucoup de temps donc je vais droit au but.
Pourriez vous,par le biais de contacts,de relations de passionnés ou de gens amoureux de sont oeuvre,faire en sorte qu’une émission télévisé sur fr5 ou ARTE lors d’un Théma soit diffusée pour les 20 ans de sa disparitions le 18 MAI 1995.Cordialement.
Merci pour votre commentaire. Pour ce qui est de votre requête, l’idée est excellente, mais en ce domaine je crains fort ne pas avoir plus de contacts que vous… À moins que d’autres lecteurs ou lectrices de ce site aient des idées de pistes ?